La décoration traditionnelle, un business à la mode.

Depuis un an environ, un nouveau modèle de décoration s’est invité dans les cérémonies festives bamakoises. Il s’inspire des caractères culturels maliens et met en valeur les matériaux et objets traditionnels.

Dans une famille de Djicoroni Para, en Commune IV, Sanaba Samaké met son talent de décoratrice au service d’un couple qui attend de célébrer le baptême de leur fille. Ses clients ont décidé de décorer le garage de leur maison pour rehausser l’éclat de la cérémonie. Un tissu artisanal est tendu sur un pan de mur du bâtiment. Sur l’étoffe, Sanaba a disposé verticalement des éventails traditionnels et des paniers. Un siège métallique en forme de trône est installé pour accueillir la mère de l’enfant à baptiser. Aux alentours, la jeune artiste a posé paniers, calebasses, éponges à base de fibres, tamiseurs et balais. Pour les visiteurs, une natte étalée, ainsi que de petits tabourets décoratifs.  Le décor est digne d’une salle royale !   

La décoratrice explique : ces ornements sont ceux de l’ethnie sonrhaï, auquel appartient  le nouveau-né. La parure puise dans une identité culturelle ainsi réaffirmée. Ce choix décoratif, qui tend à se répandre, a donc une signification. L’étudiante en télécommunication précise, tout en faisant des retouches sur une chaise, celle réservée à la maman, que la décoration est pour elle une passion d’enfance : « j’organisais des fêtes à la maison, et je décorais à l’aide de cartons. Maintenant, je fabrique des éventails, des fleurs, avec des wax, des articles que je vends et mets en location ». Si elle a un talent inné pour son art, elle signale qu’elle a ensuite suivi une formation en décoration à l’Atelier Firdaous d’Assitan Soumaoro. « J’ai eu l’idée de faire une telle décoration traditionnelle à travers les conseils d’une cousine qui vit au Sénégal. A ce moment, je ne connaissais personne qui évoluait dans le domaine au Mali », souligne Sanaba Samaké.

Le prix de ses services va de 30 000 à 150 000 Fcfa. Grâce à sa communication sur les réseaux sociaux, et les informations de bouche à oreille, sa clientèle s’est multipliée. Elle ambitionne d’ouvrir son propre magasin et un espace où les gens pourront venir organiser leurs célébrations. Et elle pense à s’investir dans la formation professionnelle.

Alima Coulibaly est sa cliente et déclare avoir choisi de procéder ainsi, à l’exemple d’autres personnes. « C’est une décoration qui se fait à moindre coût et je la trouve aussi intéressante que la décoration moderne. J’ai demandé à tous mes amis de s’habiller de façon traditionnelle, pour rendre la scène plus jolie », confie-t-elle. Coût de l’opération : 40 000 CFA.

Autre lieu, autre artiste : vers 8 h du matin, Kamara Dolo s’active déjà sur le lieu de son intervention. En compagnie de deux aides, il fixe des bogolans et des statuettes noires au mur. Dans leurs bagages, on trouve également des nattes en bois, des louches, de l’encens, des paniers, une grande photo de la future mariée, sur laquelle on peut  lire : « Soirée de henné d’Aichata ». C’est le jour où la mariée et son entourage se font tatouer. Occupé à tout mettre en place, il explique qu’il a suivi trois formations différentes en décoration. « La décoration artisanale est très prisée par les gens en ce moment. Sinon j’ai été formé à la décoration moderne. J’ai commencé il y a 4 ans, puis j’ai eu l’idée de faire de la décoration artisanale quand j’ai vu que les gens commencent à mettre en valeur nos tissus artisanaux », souligne-t-il, avant d’expliquer que son travail valorise notre culture. Ce métier lui tient à cœur. « J’aime créer des nouveautés à chaque fois et cela plaît à mes clients. J’ai eu des contrats avec des entreprises, mais généralement nous sommes sollicités pour des mariages, des baptêmes, des enterrements de vie de jeune fille » détaille Kamara Dolo. Mais il déplore la braderie des prix, car désormais il existe un grand nombre de décorateurs. « Nos prix dépendent des  matériaux, de l’importance de la main d’œuvre, des locations annexes et des frais de transport », précise-t-il. Ne quittant pas des yeux son ouvrage, il estime qu’un titre l’aiderait à être reconnu et à se démarquer des autres. Assise à coté de son prestataire, un voile blanc sur la tête, Aichata Kanté explique : cette décoration d’inspiration traditionnelle est jolie et « cela me permettra de mettre mon ethnie en valeur ».

Kadidia Yossi est la directrice de Koun’dji Events, une entreprise spécialisée dans la décoration. Détentrice d’une maîtrise en droit privé, elle a commencé la décoration en 2017. « J’ai commencé avec le placement d’hôtesses lors de rencontres publiques. Deux mois plus tard, je me suis lancée dans la décoration à la demande de partenaires.  Vers la fin de l’an passé, j’ai eu des demandes de quelques clients pour la décoration traditionnelle, sur les réseaux sociaux j’ai vu des exemples », indique Kadidia qui compose ses décors avec tout ce qui peut rappeler la culture africaine. Selon elle, c’est une pratique à la mode, et une activité rentable. « Tout dépend de la quantité et la qualité de matériaux souhaités par le client. Au début, les réseaux sociaux m’ont permis d’avoir de la visibilité », souligne-t-elle. Elle souhaite désormais augmenter ses activités et créer de l’emploi au profit des jeunes filles maliennes.

Fatoumata M. SIDIBE

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