Les opérations de déguerpissement de commerçants sur la voie publique : une équation apparemment difficile à résoudre. Exemple de la route RN7, en plein cœur de Bamako.
Cette route située en plein cœur du grand marché de Bamako est, depuis des années, colonisée par des vendeurs de chaussures, de sacs, de boucles d’oreille, de chaînes et divers autres articles. Ces derniers, installés de façon anarchique, font leur loi. Le son bruyant des tam-tam et autres instruments de musique tonne à fond, pour attirer la clientèle. Emprunter la voie est alors un parcours du combattant dans un trafic monstre qui provoque à longueur de journée la colère des usagers. Et s’il arrive, par maladresse, qu’un d’eux marche sur un des articles exposés à même le sol, la réaction est immédiate : cris, injures grossières et même coups de poing peuvent s’ensuivre !
Comment sont-ils arrivés à cet endroit et à cette situation ? Le responsable du groupement des vendeurs (installés entre le feu tricolore au tournant de l’artisanat et la place appelée Worocours Donda, l’entrée de la cour des vendeurs de cola) est le mieux placé pour répondre à cette question. Oumar Coulibaly est vendeur de tenues pour femmes. Il précise qu’ils sont entre 3000 à 4000 personnes dans cette zone. Majoritairement des veuves, des jeunes sans emploi, explique-t-il, ces commerçants et commerçantes s’y sont installés pour gagner leur pain quotidien.
La plupart de ces gens-là seraient des victimes de l’opération de déguerpissement initiée en 2016-2017 par la gouverneure de Bamako de l’époque. Il y aurait également des rapatriés et déplacés. Ne sachant pas où s’installer afin de pouvoir gagner leur pain, ces gens ont choisi d’occuper la route (faute de moyens pour louer les magasins environnants).
Un autre connaisseur des lieux est le jeune gérant d’un parking motos situé dans la zone. Il précise qu’ils sont trois groupes de commerçants. « Ceux qui sont derrière les grilles, ceux installés sur le goudron, et les ambulants », explique Oumar, assis sur un engin à deux roues. Selon lui, ils cotisent chacun 100 FCFA par mois. Cette somme collectée est utilisée pour assainir les lieux deux fois par mois. Pour ce faire, ils louent des camions bennes sur fonds propre et les services de certains jeunes du quartier qui font la ronde la nuit afin d’empêcher les gens de déverser les ordures.
Ils ont même eu l’idée de se chercher un parrain pour parer à toute éventualité. Le meneur de ce combat est le doyen Bakary Konaté, alias Béret rouge, président de l’association Benkadi. Il se promène avec un sachet plastique de couleur bleue contenant des documents. Ces papiers sont, selon lui, la preuve de leur appartenance à la Coordination nationale des commerçants et de leur reconnaissance par à la Chambre de commerces et d’industrie du Mali (CCIM). Assis au milieu des jeunes devant son kiosque, il dit n’avoir pas apprécié l’opération de déguerpissement, sans information préalable, alors qu’ils avaient l’autorisation de la mairie.
Les usagers et leurs voisins immédiats ne sont pas de cet avis. Abba Cissé, chauffeur de Sotrama, est également membre du Syndicat des transports routiers de Lafiabougou. « Ces gens-là nous dérangent énormément. Nous avons d’énormes difficultés à nous frayer un chemin parce qu’ils occupent presque toute la route. Si par malheur il nous arrive de renverser leurs marchandises, ils crèvent nos pneus avec des outils pointus ou se permettent de briser nos pare-brises. Ils nous obligent à les dédommager séance tenante ! », déplore-t-il.
Il poursuit : entre la Maison des artisans et la gare, un Sotrama peut mettre 30 minutes. Ce qui constitue un manque à gagner pour les chauffeurs payant une location journalière de 15 000 FCFA au propriétaire.
Certains vont jusqu’à proposer de les déguerpir à nouveau. Mariam Traoré, une motocycliste qui tente tant bien que mal de se frayer un passage, est de ceux-là. « Il est vraiment désagréable d’emprunter ce chemin. Je pense que les autorités doivent leur trouver des places ailleurs. En tout cas, ils doivent éviter de s’installer sur le goudron car ils mettent en danger leurs vies ».
Nos tentatives pour rencontrer la Direction urbaine de protection de l’environnement (Dubope) ont été vaines. Lors de son passage sur le plateau de l’émission «Aw bé di» (ORTM), le directeur de ce service, Moro Diarra, expliquait l’inefficacité de sa structure par l’insuffisance de ressources humaines et de matérielles.
Mariatou COULIBALY

Cet article a été publié dans L’Indicateur du Renouveau, le 3/10/2023
