Secrets de femmes, attention danger !

Les produits dits « secrets » des femmes, pour maintenir la flamme du partenaire ou favoriser la sexualité dans le couple, peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé. Le marché est florissant…

« Les acheteuses sont de toutes les catégories sociales, et elles se jettent dessus… » Voilà ce dont témoigne Aminata Dicko, communément appelé Tanti. Âgée d’une quarantaine d’années, cette vendeuse spécialisée opère au marché de Yirimadio, où elle fournit des habituées. Si vendeuse et clientes utilisent des termes codifiés pour parler des produits, ceux-ci sont vendus sans détour. Certaines acheteuses jettent des coups d’œil de gauche à droite, comme pour se cacher d’un regard extérieur. Et les nouvelles clientes se font accompagner afin d’éviter de trop paraître novices.

« Pendant les week-end mes produits marchent beaucoup car les femmes, mariées ou pas, affluent. J’ai différents produit comme ‘clé de villa’, ‘petit bandit’ et bien d’autres de ces médicaments. Je les emballe dans des sachets transparents. Ce qui marche en ce moment, c’est ‘nep-nep’, ‘mussoyirini’, ou ‘timitimini’ et ‘zongnè’, entre autres. Ils traitent plusieurs maux, tout dépend de la demande; certaines femmes les achètent pour vaincre la sécheresse vaginale, d’autres pour plus de plaisir. Certains hommes aussi passent chez moi pour acheter soit ‘petit cola’, ou ‘attoté’ pour l’endurance », continue Aminata.

Cristaux de menthe, bonbons aphrodisiaque, feuilles de djeka, nep-nep, miel parleur, collé-serré, bain intime, infusions, fontaine (timitimini)… Des poudres à l’infini, à mettre dans la sauce ou utiliser comme encens de bonheur, comme elles disent. Tous des produits pour lesquels les commerçantes promettent une vie sexuelle épanouie.

« Je vends ces produits, mais je n’exhorte pas les clientes à les utiliser par voie vaginale. Car la personne peut contracter des maladies, cancer ou infections; mais si elle en veut, je ne m’y oppose pas. Après l’accouchement, la constitution de la femme femme s’élargit, et pour resserrer le vagin elle aura besoin de feuilles de Djeka. Pour la préparation, après avoir lavé les feuilles, vous les faites bouillir pendant quelques minutes, une fois tièdes on peut faire une toilette intime. Également mettre l’infusion dans un seau et faire un bain de siège. Je reçois des retours positifs sur mes produits. C’est encourageant, cela me permet de connaitre l’efficacité des produits, parfois j’augmente la commande suivante », nous détaille la vendeuse.

Mais ces produits sont déconseillés par les gynécologues, ce qui n’empêche pas les femmes de passer outre. « On garde un homme par le ventre et le bas ventre » disait l’adage. Les femmes n’osant pas demander l’aide des spécialistes, puisque la sexualité a toujours été un sujet tabou dans nos sociétés, la pratique peut s’épanouir.

Pourtant l’utilisation de ces produits a bien un impact sur la santé, indique Ibrahim Traoré, gynécologue-obstétricien.

« La femme a une zone intime un peu particulière, la rendant plus susceptible d’infection ou autres agressions. Ces pratiques peuvent détruire la flore vaginale, causer des infections bactériennes et mycosiques pouvant aller jusqu’à la stérilité. C’est pourquoi il est toujours recommandé de ne pas introduire de corps étranger dans le vagin, en dehors des prescriptions médicales », prévient-il.

Dr Ibrahim Traoré, Gynécologue

La zone intime de la femme est très fragile, il existe une manière plus judicieuse de faire son toilette intime. 

« La vie de la femme est cyclique. On a la période des menstruations, de la grossesse,de l’accouchement, de l’après-accouchement et enfin de la ménopause. Toutes ces périodes ont leurs particularités, de ce fait le mode et le rythme des toilettes intimes diffèrent. Le vagin possède des bactéries qui lui permet de lutter contre les agressions des agents infectieux. Il a la capacité de se nettoyer tout seul et de se débarrasser des cellules mortes. La toilette intime de la femme consiste à uniquement laver la vulve c’est-à-dire la partie externe de la zone intime. Il est aussi préférable de le faire d’avant en arrière c’est à dire du sexe vers l’anus pour éviter de ramener les bactéries vers la vulve. La vulve peut être lavée une fois par jour avec un gel de douche ou un savon pour le corps, dans les autres cas on peut se servir d’eau simple. Privilégiez les sous-vêtements en coton et que ceux-ci ne soient pas trop serrés. » conseille le gynécologue.

Les produits secrets de femmes se vendent comme des petits pains dans les marchés à partir de 500 FCFA. Et aujourd’hui également sur le net, sur des groupes WhatsApp, sans oublier les « donneuses d’astuces » sur Tik tok. Celles-ci proposent des mélanges de nombreux produits : miel, gingembre, clou de girofle, dattes, lait… et certaines s’aventurent à les mettre en pratique sans se soucier des risques. Oumou Traoré reste dubitative sur l’efficience de ces produits.

 

« J’ai peur de ces recettes, et à part les infusions je ne prends pas de risques… J’ai essayé une fois et ça a été « bonjour l’infection »… La plupart de mes infusions sont des formules de grand-mère qu’on m’a enseigné à la veille de mon mariage, quelques-unes sur Tik-Tok. Quand j’étais nouvelle mariée, on m’a conseillé de mélanger de l’écorce de manguier avec le gowé, le khamaré (vetiver)… On met le tout dans une casserole et on laisse infuser pendant une vingtaine de minutes, la couleur change. On boit au minimum deux tasses matin et soir… tu m’en diras des nouvelles », confesse-t-elle, toute souriante, devant son bol de tisane dont l’odeur titille les narines.

Oumou FOFANA

Publié dans Mali Tribune (29/09/2023)

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