Alima Mariko, première femme conductrice de train… sans salaire

Première femme conductrice de train voyageur au chemin de fer du Mali depuis 2007, Alima Mariko commence son parcours comme conductrice avec l’express Kayes-Bamako.

Il est 17 heures, Alima Mariko vient de sortir d’une voiture et entre dans sa maison du quartier Badiala. Accueillie par sa fille et sa belle-mère, toute souriante elle les salue mais ne s’attarde pas. Direction le salon où nous commençons l’entretien.

Habillée en robe longue, multicolore, un foulard attaché sur la tête, Alima Mariko nous parle aussitôt de ce mauvais souvenir : l’arrêt du train, cinq longues années sans partir à Dakar ! «Cela a été une épreuve. Dans notre société, ce n’est pas facile d’avoir un travail. Mais on est resté à espérer qu’un jour… Dieu faisant bien les choses le train a sifflé à nouveau, un 9 juin 2023 ».

Elle se souvient que les riverains du rail n’étaient pas tous informés de la relance du chemin de fer.

Mariée, mère de deux enfants, Alima Mariko raconte : « je suis la première femme conductrice de train au Mali, je peux même dire dans toute l’Afrique de l’Ouest ». L’aventure a commencé par une annonce. « Dès que j’ai vu l’annonce du communiqué concernant le recrutement des conducteurs, je suis allée à la direction du Chemin de fer pour postuler. Ils m’ont alors fait savoir que la conduite de train n’est pas faite pour les femmes. Pourtant j’ai le même diplôme que les hommes, on a fait les mêmes études ensemble. Je leur ai posé la question, pourquoi une telle distinction de sexe ? Heureusement six mois après, ils m’ont appelée pour venir faire le concours avec les hommes, et c’est ainsi que… ».

Technicienne de formation, elle a eu deux diplômes d’électricienne et d’électromécanicienne; son souhait était de devenir électricienne. Ne trouvant pas de travail dans sa branche, elle s’est retrouvée (« C’est Dieu qui l’a voulu » ), un beau jour de 2007, à piloter l’express de Kayes à Bamako. 

« J’ai rencontré beaucoup de difficultés. Pas de femmes dans le train, cela voulait dire pas de dortoir pour femmes, j’étais obligée de voyager, dormir avec les hommes. Aujourd’hui, nous sommes deux conductrices de train », explique-t-elle. La conduite de train, précise-t-elle, veut qu’il y ait deux pilotes. Celui qui conduit, s’il est fatigué, l’autre prend la relève. On compte six conducteurs à Kayes, et huit à Bamako, mais c’est un effectif insuffisant à cause des rotations, des congés, etc.

«On ne peut pas dire quel est son jour de voyage, cela dépend, c’est un roulement, chaque semaine ça change. La conduite du train est séparé, les conducteurs prennent le train à Bamako, arrivés à Toukoto (un village après Kita), ceux de Kayes prennent le relais jusqu’à Kayes.»

Tous les cheminots sont heureux de la reprise du train voyageur. Il y a encore des problèmes, ils manquent d’équipement de travail, mais essayent de faire de leur mieux pour que le train ne s’arrête plus. « Nous avons deux locomotives, c’est insuffisant. Elles sont vielles et sont restées arrêtées pendant des années. Or, il en faut davantage pour assurer le trafic voyageur et le trafic marchandise.  Au moins, le courage et la volonté des ouvriers ont permis de remettre celles-ci en marche. Mais on n’a pas de pièces de recharge».

Pour améliorer la performance des travailleurs, il faut aussi les remettre dans leur droit, précise-t-elle : il faut régulariser les salaires. Lorsque nous rencontrons Alimata, depuis la reprise du train le 9 juin 2023, personne n’a touché de salaire.

Être conductrice et aussi s’occuper de son foyer, ce n’est pas facile, souligne-t-elle encore. Il faut avoir un conjoint compréhensif : « je me suis mariée étant déjà dans ce métier. Avant de me marier, on en a parlé, j’ai expliqué à mon futur mari que c’est un métier dans lequel les hommes et les femmes travaillent ensemble, la nuit aussi, et où on voyage beaucoup. Dieu merci, mon mari m’aide, m’encourage. J’ai une belle-mère qui me comprend et je m’occupe bien de ma famille », se félicite-t-elle.

Et en dehors du foyer ? Alima est heureuse de le dire : elle fait la fierté de sa famille et de son quartier. Elle est encouragée par ses tantes, car il est rare de voir une femme conduire un train. « Ils me le disent tout le temps, je suis leur fierté ».

Bintou COULIBALY

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