Monument aux héros de l’armée noire : hommage aux braves

S’il trône sur une place emblématique de Bamako, ce monument entouré d’un trafic routier intense, n’est souvent pas considéré par le passant, qui parfois se trompe sur son origine. Monument d’époque colonial, certes, mais qui magnifie les actes héroïques des Tirailleurs, il mérite comme tant de monuments de Bamako d’être mieux connu.

Érigé en plein cœur de Bamako, place de la Liberté (ancienne Place Maginot), voici le monument aux Héros de l’Armée Noire. Il représente un groupe de soldats qui, en formation serrée, monte à l’assaut. Selon l’interprétation populaire, il serait dédié aux soldats de Samory Touré (Samory ka kèkèlèkè dew). Rien de tel ! la sculpture commémore la participation des soldats noirs, les « Tirailleurs sénégalais » à la première guerre mondiale (1914-1918).  Une page de l’histoire coloniale du Soudan français…

Rapprochons-nous de cet imposant monument qui fait face au bâtiment (colonial) du ministère de l’Education : haut d’environ cinq mètres, il comprend deux parties. Un socle latéritique carré portant, aux quatre angles, les noms des villes ou lieux ayant été le théâtre de grandes batailles où les Tirailleurs sénégalais se sont vaillamment battus : « Yser, Arras, Dardanelles, Somme, Verdun, Chemin des Dames , Alsace , Champagne , Marne , Reins , Château Thierry , Aisne , Orient , Cameroun ». Comme on peut le remarquer, il s’agit de champs de bataille tant en Europe qu’en Afrique. Au flanc sud du socle, sur un fond blanc, se trouve la stèle commémorative.

Le groupe sculpté représente cinq soldats noirs devant lesquels se trouve un soldat blanc tenant un drapeau de la France aux couleur bleu, blanc, rouge, le tout symbolisant le compagnonnage d’armes entre les tirailleurs sénégalais et leurs camarades français. C’est un témoignage de reconnaissance aux tirailleurs, enfants d’adoption de la France, morts en combattant pour la liberté, la justice et la civilisation. Depuis son inauguration, la place s’est enrichie de deux canons, d’un jet d’eau et d’un jardin avec deux rangées de palmier.

Sculpté en France par Paul Moreau-Vauthier en 1922, transporté à Bamako par le biais du train Dakar- Niger, il a été inauguré le 3 janvier 1924, sur l’initiative du Général Archinard, à l’époque Commandant Supérieur du Soudan Français, en présence du Président de la République Française et de plusieurs hauts responsables de l’administration coloniale.

Notre interlocuteur, Daouda Koné, attaché de recherche et chef de la division Parcs publics et monuments à la Direction nationale du patrimoine culturel, précise : cette statue existe en deux exemplaires : une à Bamako et l’autre à Reims, en France. Et ajouter que, pour comprendre un monument, il faut connaitre son histoire.

Les monuments ne sont pas comme les autres sites

Daouda Koné explique ce qu’est un monument classé. C’est un site sélectionné et protégé, entré dans la liste du patrimoine culturel, régi par un décret présidentiel (décret 2012 P-RM du 24 février 2012). Il bénéficie d’attention spéciale, en terme d’entretien et de nettoyage. Mais, souligne-t-il, il revient aussi à la population d’en prendre soin. Un monument n’est pas anodin dans l’espace urbain : souvent situé à un carrefour ou une place importants, il donne une valeur particulière aux rassemblements publics qui s’y font.

Le monument aux euros de l’armée noir, l’un des vieux monuments

Le Mali est très riche sur le plan culturel. Comme le disait l’ancien président d’Ibrahim Boubacar Keita : nous fumes quand d’autres n’existaient pas. « S’il s’agit de regroupements politiques, le territoire du Mali a connu, depuis l’an mille, bien des empires : empire du Ghana, l’empire du Mali, royaume bambara de Ségou, du Kaarta… La conquête coloniale est venue bien après» rappelle Daouda Koné.

« Un trait distinctif du monument, c’est qu’il est une œuvre d’art». Et celle-ci porte un message, souvent un hommage aux grands hommes ou aux grands événements. On a ainsi à Bamako le Mémorial Modibo Keita, le Monument de l’Indépendance, etc. Les monuments de l’époque coloniale ont un statut spécial, car ce ne sont pas forcément des épisodes que le pays devenu indépendant souhaite commémorer. Certains ont été détruits. Mais pas le Monument aux héros noirs, qui représente la participation des enfants du Mali à la Première guerre mondiale, où ils se sont signalés par leur bravoure. 

Aujourd’hui, ces héros noirs continuent à résister… au vent, au soleil, à la pluie, à la fumée des engins.  Car ils sont en bronze. « Si ce n’est la guerre, aucun phénomène naturel ne peut détruire ce monument. Et voyez, malgré tout cette image est vivante, c’est comme une image saisie sur le champ de bataille », indique M. Koné. Qui appelle au respect des monuments, « notre bien à tous ».

Car si les monuments sont faits pour tenir face aux intempéries, l’homme est le principal auteur de leur dégradation. Cela se caractérise par l’insalubrité, les actes de vandalisme et les accidents causés par les transports urbains. Cependant, souligne encore notre guide, des réflexions sont en cours au sein du Ministère de la culture afin de donner à ces monuments un statut juridique et une stratégie de gestion leur permettant d’être mieux valorisés.

Bintou COULIBALY

Laisser un commentaire