Traoré Fanta Coulibaly : une vie dédiée aux autres

Actrice, elle fut une figure emblématique du monde culturel malien depuis les années 1980, mais pas seulement. Car ses combats ont été multiples et celle qu’on avait fini par surnommer « FC » aura passé sa vie au service des populations maliennes. De diverses manières, toujours avec une disponibilité singulière.

Une lionne s’en est allée. Lionne, « Femme noble et courageuse », comme définit ce mot, au sens figuré, le dictionnaire Le Robert, est peut-être ce qui qualifie le plus Fanta Coulibaly, tant le combat de la « reine de la jungle » a été pour les causes sociales de son pays. Que ce soit à l’Association malienne de lutte contre la drépanocytose, comme à celles des femmes de la Commune III du District de Bamako, dans le cadre de l’association « Sido-Sigidiya » (qui regroupe les femmes des 26 villages de la commune rurale de Sido), ou à la tête du Réseau des femmes pour la consolidation de la paix, et encore auprès de l’association des femmes du Mali (CAFO), elle en a fait plus qu’un engagement : une obsession.

Née à Sido, dans la région de Bougouni, où elle est venue au monde le 1er février 1964, elle séduit par sa passion citoyenne, en 1982, celui qui deviendra son mari : Adama Traoré, que nous rencontrons dans son bureau au quartier Hamdallaye ACI, reconnaît avoir du mal à trouver ses mots, lui qui pourtant d’habitude est à l’aise devant un micro. Sur le visage et dans les paroles de l’homme de lettres, président de la coopérative culturelle Acte Sept, et de la Fédération des Artistes du Mali, on sent la tristesse d’un Alphonse de Lamartine dans son poème Le lac.

Adama Traoré se rappelle toutefois, 41 ans après comme si c’était hier, du jour où il rencontra à l’Institut National des Arts (INA), Fanta Coulibaly, « une femme fidèle dans ses engagements, et qui est d’une franchise sans pareille ». « Quand elle s’engage dans quelque chose, elle y va jusqu’au bout. Et si elle a quelque chose à te dire, tu ne l’apprendras par quelqu’un d’autres. C’était aussi une femme qui savait reconnaître son erreur quand elle avait eu tort », témoigne-t-il d’une voix admirative.

Formés tous deux à l’INA, les deux conjoints y créent en 1985, avec d’autres acteurs, la première troupe de théâtre privée du Mali, le célèbre groupe Nyogolon. Un groupe théâtral qui se dédie par le théâtre à la sensibilisation des populations sur les problèmes sociaux.

Et c’est ainsi que débute la carrière artistique de la comédienne, metteuse en scène, auteure dramaturge, actrice de cinéma et future directrice de la Troupe Théâtrale Jigiya. Si elle a joué dans la quasi-totalité des productions de Nyogolon, FC a aussi participé à plusieurs films et séries, dont Ta Dona de Adama Drabo (1991), Guimba de Cheick Oumar Sissoko (1995), Waati de Souleymane Cissé (1995), Taafé Fanga, de Adama Drabo (1997), Les aventures de Seko (une série télévisée) de Boubacar Sidibé (2002) et Dou la famille de ce même auteur en 2004.

« Que ce soit dans un rôle en français ou en bambara, elle excellait au cinéma. Jouer avec elle était plaisant. Tous les comédiens professionnels maliens en témoigneront. Quand l’on fait un film avec FC, elle a toujours l’amabilité de nous signaler quand l’on se trompe dans notre rôle, sans que personne ne le sache. C’était une comédienne d’exception ». Tel est l’hommage à sa consœur de Kari Coulibaly, dit Madou Wolo, qui a joué le rôle du mari de Fanta Coulibaly dans la série Dou la famille.

Tout comme lui, ils sont une pléthore d’acteurs du secteur de la culture malienne à témoigner du travail de la native de Sibo « qui a contribué à montrer au public les richesses du patrimoine culturel malien et africain », comme l’indique Boubacar Sidibé, aujourd’hui président de la Maison des Cinéastes du Mali. Son travail lui a valu une « reconnaissance de satisfaction » à titre posthume, de ce regroupement des cinéastes du Mali : « pour services rendus à la Nation », et pour « la défense de la culture malienne ». C’était à sa disparition, le 4 mars 2023, où s’en est allée celle qui restera aussi et à jamais la première femme à avoir rédigé un article de presse en langue nationale.

Aly Asmane Ascofaré  

Pour les femmes et la démocratie

« Disponibilité et sociabilité sont les caractéristiques dominantes chez Fanta Coulibaly, la lionne de la commune III et de Sido ». Ainsi était-elle caractérisée dans un livre que l’Association culturelle Acte Sept a consacré en 2006 aux « lionnes de la commune ». La structure culturelle estimait que « le contexte socio-politique [à l’époque] marqué par la décentralisation doit favoriser la naissance de mécanismes de sélection, ayant pour critère la reconnaissance du mérite et des valeurs ». C’est dans cette optique qu’il avait été décidé de rendre hommage à une quarantaine de femmes s’étant illustrées « sur différents fronts, et qui depuis la nuit des temps se sont battues pour l’égalité des sexes et pour la fin de l’exploitation de la femme ».  Parmi elles, Mme Traoré Fanta Coulibaly, dite FC.

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Entretien avec Fanta Coulibaly dans Femme Plus

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