MOIS DE RAMADAN : Le printemps des hidjabs

Pendant le mois sacré, les femmes changent de comportement mais aussi de style vestimentaire pour se conformer au code islamique.

Aïdatou Touré est du genre snob. Depuis le début de ce mois, la jeune fille a abandonné ses vêtements habituels et ne parait plus qu’en hidjab. C’est le Ramadan. Pendant ce mois béni, tout change. L’être, en premier lieu, avec la piété, l’humilité et la solidarité, mais aussi le paraître, avec un impératif de pudeur dans l’espace public auquel les filles et les femmes se plient avec zèle. Rangés au fond des armoires, les mini-jupes, les robes moulantes et les jeans. Place aux amples hijabs, aux foulards et aux voiles qui trustent le vestiaire féminin du moment.

A Bamako, le marché a ceci de magique qu’il est extrêmement réactif et s’approprie sans hésitation les tendances, les accompagne au plus près et les précède même dans le cas du Ramadan. Ainsi, bien avant le 23 mars et le début du jeûne, les boutiques de vêtements féminins avaient déjà déballé des monceaux de hidjabs et d’accessoires qui constituent la garde-robe recommandée aux femmes musulmanes. L’offre est abondante et visible pour répondre à la demande mais aussi la susciter puis la satisfaire par la diversité des articles et de leurs prix. Les rayons des boutiques, les étals du marché, les vendeurs ambulants, les vendeuses occasionnelles qui écoulent la marchandise de grossistes proposent de tout en matière de prêt-à-porter spécifique à cette période et même de la friperie de premier choix. Petites bourses, élégantes, étudiantes ou lycéennes, chacune y trouve son compte pour sacrifier aux impératifs de « décence » de l’heure.

On sort donc « couvert » dans les services publics comme privés, les banques, les universités, les marchés et dans les rues comme notre équipe de reportage a pu le vérifier un mardi matin du mois de mars. Toutes sont voilées, arborant des hijabs à la mode maghrébine. D’autres, désignées un peu ironiquement par le pseudo « Adja », ont enfilé en plus des chaussettes, des gants et une voilette noire pour cacher leurs yeux.

C’est le cas d’Aminata Diallo, une juriste en herbe venue faire ses achats dans une boutique de hijabs du Grand marché de Bamako. La cliente du jour trouve les prix élevés et marchande systématiquement en prenant soin de dissimuler son intérêt pour tel ou tel produit. Car il lui faut nécessairement renouveler sa garde-robe : « comme c’est le mois de ramadan, je ne peux me permettre de porter mes anciens vêtements ». Par respect pour ce mois béni, explique-t-elle, il lui faut s’habiller décemment comme ses autres sœurs. « En plus, ce n’est qu’un seul mois dans l’année, donc, je ferai l’effort de me conformer au respect des préceptes de la religion », argue-t-elle tout en pressant le vendeur de baisser ses prix.  

Djénéba Sacko est dans un état d’esprit similaire. D’habitude, le pantalon est de rigueur pour ses journées de stage. Mais ce matin, elle décide de se vêtir autrement. Ainsi, elle prend le chemin du bureau, enveloppée dans une grande robe noire, les pieds chaussés de ballerines assorties à son foulard de tête. C’est dans les établissements financiers que la métamorphose est la plus totale. En effet, le dress-code dans les banques serait plutôt celui de l’executive woman : tailleur chic, jupe et chemisier, coiffure soignée. En ce moment dans les open-spaces et les bureaux, les employées sont toutes voilées. Elles ne laissent entrevoir aucune partie de leur corps et ce sera ainsi durant ce mois, constate un jeune client venu faire un retrait. Lui se satisfait de cette attitude et souhaite même qu’elle perdure après le mois de ramadan pour devenir la norme et non plus l’exception. Mais il ne se fait guère d’illusions : « Attendons l’approche de la fête, on les verra à nouveau porter des mèches et des habits non décents en violant les dires de Dieu ».

A l’heure de la rupture du jeûne dans une des universités privées de la place, les étudiantes qui font leurs ablutions sont toutes couvertes de la tête au pied et ne se différencient que par la couleur de leur hijab. Cette uniformité qui peut désorienter, prête facilement à plaisanterie amicale. Ainsi la jeune Oumou Dolo est interpellée par son camarade de classe Hassane Maïga. Celui-ci s’écrie la bouche grande ouverte en signe d’étonnement : « C’est toi petite Dogonne ? Je jure que j’ai failli ne pas te reconnaitre. Comme tu es bien habillée aujourd’hui par rapport aux autres jours ». Hassane Maïga apprécie le look ramadan de Oumou car c’est le style qu’il lui conseille pour le quotidien.

A quelques mètres de là, la tenancière de la cantine de l’école milite pour la même cause. Elle entreprend de convaincre un groupe de jeunes clientes de se convertir durablement à un style vestimentaire exemplaire pour la femme musulmane et pour l’Islam.

Sans surprise, l’Imam Abdoulaye Maïga abonde dans le même sens. Professeur des matières religieuses au lycée Madina de Bamako et encadreur des membres du bureau du Centre islamique de formation et de documentation (CIFOD), il rappelle qu’une fois que la femme atteint la puberté, l’Islam lui recommande de se voiler quand elle sort de chez elle. « C’est une recommandation divine et un ordre qui vient d’Allah et pas question de mois de Ramadan ou pas. Même chez elle, la femme doit couvrir son corps du regard des hommes », précise l’érudit. Mais l’idéal, tempère-t-il, est de continuer le port du hidjab même après ce mois car c’est le seul signe qui montre que le Ramadan a été accepté par Dieu. Donc, les pratiques doivent continuer pendant et après le ramadan.

Fadi Cissé

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