Sites touristiques de Bamako : sauvons notre patrimoine culturel

Comment faire pour restaurer et protéger le patrimoine historique et culturel de la ville aux Trois caïmans ? Experts, administration et amateurs du patrimoine national tentent de répondre à la question

Le parc des Sofas, trésor historique et culturel qui trône en plein cœur de Bamako, perd de son éclat et même son âme. Le joyau architectural est presque terne. Dans un état de délabrement assez avancé, il est menacé de disparition. La rivière Woyowayanko a tari. Un parc à bétail occupe une partie des lieux. De nombreuses autres activités informelles y prospèrent. Çà et là des tas d’ordures, des automobilistes se frayent un chemin pour les traverser. Quant à la statue du vaillant guerrier Kémé Bourama, elle laisse entrevoir des fissures profondes et des parties altérées. Des spéculateurs fonciers ont transformé la vocation d’une grande partie du site pour en faire des maisons à usagers d’habitations. Tel est aujourd’hui le décor peu reluisant qu’affiche ce patrimoine national.

Réalisé en 2001 à l’initiative de la présidence de la République du Mali, le site immortalise la bataille historique qui a opposé les troupes de l’Almamy Samory Touré, dirigées par son frère Kémé Bourama, aux troupes françaises. Cette bataille a eu lieu en 1883. Classé patrimoine national, ce site historique clôturé à moitié est situé à Dogodouman. À l’intérieur se trouve la rivière Woyowayanko dont les eaux tarissent en saison sèche. Il comprend un cimetière constitué de trois gros tumulus de pierre, considérés comme les sépultures des sofas de Samory et de deux tombes individuelles. Sur les hauteurs d’une montagne culmine la statue géante d’un cavalier. Le regard fixant le champ de bataille et l’index dirigé vers le Woyowayanko, la statue représente Kémé Bourama.

Outre ce site, le patrimoine culturel national enregistre une trentaine de sites et monuments. Auxquels il faudrait accorder toute l’importance nécessaire afin de préserver ces pans de notre histoire. « Le parc des Sofas constitue un témoin tangible, un des symboles les plus représentatifs de la résistance africaine à la pénétration coloniale française », lance Sékou Keïta, qui dit déplorer sa dégradation inquiétante. Ce quadragénaire qui habite à Dogodouman reproche à la population d’avoir peu d’intérêt pour les sites du patrimoine.

Ce constat est partagé par l’ancien directeur du patrimoine culturel, Lassana Cissé. Celui-ci déplore l’état de délabrement des monuments de Bamako qui sont « sales et délabrés ». À cause, soutient l’expert en patrimoine et développement, de l’absence de suivi et de la mauvaise gestion. Une gestion efficace et efficiente du budget destiné à la prise en charge des monuments s’avère, à son avis, nécessaire si l’on espère voir rayonner ces monuments.

Pour ce faire, il demande plus d’efforts, d’engagement et de volonté politique de la part de l’État. « Le premier grand problème lié à la protection de nos patrimoines est le manque d’engagement politique. Il y a une intention théorique, qui n’est jamais mise en valeur dans la pratique. Toutes les grandes actions réalisées jusque-là viennent de l’extérieur. C’est notre patrimoine, et nous avons le devoir impérieux de le préserver et de le valoriser », tance Lassana Cissé.

Pour lui, l’État devrait jouer un rôle fédérateur, en mobilisant la population et en attirant leur attention sur les enjeux du patrimoine. L’État, ajoute-t-il, doit aider les communautés à entretenir ces édifices qui sont des marques de l’identité architecturale du pays. Or leur protection est une affaire pressante :  il faudrait un programme d’urgence de conservation des sites et des monuments classés, en commençant par diagnostiquer l’état de conservation de ces sites afin de prendre des mesures conservatoires.

De plus, « nos patrimoines culturels immatériels (tout ce qui est un bien non mobilier, comme les écrits ou les traditions artistiques) ne sont pas enregistrés. Et pour valoriser tous ces trésors, il faut renforcer le système éducatif. Le patrimoine culturel doit être conservé et transmis aux générations futures », ajoute M. Cissé.

Notre habitant de Dogodouman, Sékou Keïta, abonde dans le même sens : « Les récits doivent être enseignés aux jeunes. Les sites qui immortalisent nos héros doivent être entretenus et préservés. Cela permettra à nos enfants de se ressourcer et de connaître notre histoire. » Pour lui, les sites historiques sont « des lieux de mémoire définissant l’identité d’une ville ». Cela, estime Sékou, afin de préserver notre identité.

C’est aussi le point de vue du directeur général adjoint de Mali Tourisme, Moctar Ba, qui propose de développer le tourisme domestique en sensibilisant nos compatriotes et en créant les conditions nécessaires à cet effet. Moctar Ba trouve important de redonner aux Maliens l’envie de se rendre sur les sites historiques, pour se cultiver et en même temps valoriser notre patrimoine culturel qui « est très riche et diversifié ». Pour y arriver, nos sites doivent être suivis et bien gérés.

La mise en œuvre de ces propositions pourrait, sans doute, permettre de relancer le tourisme dans notre pays. Avant l’éclatement de la crise 2012, nos sites accueillaient environ 300 000 visiteurs, constitués essentiellement de touristes internationaux.

Zeïnabou FOFANA

Ce reportage a été publié dans Mali Tribune le 24/02/2023

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