Tronçon Sadiola-Tintimba-Kéniéba : les espoirs déçus des Kayésiens

Cauchemar en saison sèche, calvaire en saison des pluies, la route Sadiola-Tintimba-Kéniéba impose un lourd tribut aux populations riveraines.

Elle alimente depuis de nombreuses années les récriminations de ceux qui l’empruntent. Mais son état n’a guère évolué. Jamais goudronnée, la route Sadiola-Tintimba-Kénéba, située dans la région de Kayes, en saison sèche est surmontée en permanence d’un nuage de poussière ; la pluie venue, les eaux de ruissellement ravinent la chaussée et la rendent par endroits impraticable, ce qui dissuade les plus courageux d’emprunter les passerelles qui survivent encore.

« Je suis chauffeur sur la route de Sadiola, témoigne Aliou Traoré, habitant de Tintimba. Les difficultés sur cette route sont multiples, surtout pendant la saison des pluies. La partie du tronçon qui relie Tintimba à Kéniéba, appelée « Tintimbakola », est la plus difficile. Nous nous débrouillons pour rouler dessus, car notre gagne-pain en dépend. Nous demandons aux autorités concernées de réhabiliter ce tronçon qui n’est pas bitumé et qui relie Sadiola et Kéniéba ».

Moussa Diouara, un autre habitant de Tintimba, explique que de sa localité à Tabacoto, il n’y a que deux kilomètres à parcourir. « Mais, pendant l’hivernage, poursuit-il, à cause du mauvais état de la route, tu peux faire plus d’une heure pour couvrir cette distance. Nous sommes arrivés au point où nous avons abandonné la route principale, pour créer nos propres pistes à côté. Ce qui n’est pas une bonne solution, mais que faire ? ». Notre interlocuteur nous apprend qu’il arrive que Tintimba tombe dans la disette, faute d’être alimentée en produits de première nécessité. « C’est surtout fréquent au mois d’août, période pendant laquelle les camions qui nous ravitaillent ne circulent pas », regrette-t-il.

L’interruption du transport pénalise lourdement la localité sur le plan économique. Car c’est aux abords de la route qu’une multitude de petites activités se mènent, notamment la vente du bois. « Il y a des moments où tu n’as même pas un seul véhicule à charger : de nombreuses personnes se retrouvent alors dans la précarité », indique M. Diouara. Le fait que la route soit pratiquement inutilisable pénalise les enfants qui doivent se rendre à l’école, mais aussi et en particulier les femmes en état de grossesse et les malades qui ne peuvent supporter un déplacement long et inconfortable jusqu’à Sadiola, ainsi que le fait remarquer Dioncounda Sakiliba, habitante de Tintimba.

Les transporteurs ne sont pas restés insensibles au calvaire des habitants de Tintimba. Alou Cissé, membre du Syndicat national des transporteurs routiers et urbains, interurbains et internationaux du Mali (SYNTRUI), section de Kayes, nous révèle qu’ils ont dépensé plus de deux millions dans les travaux de réhabilitation de cette route, de Tintimba jusqu’à Kéniéba. Un geste à saluer, mais qui ne pouvait à lui seul améliorer la situation.

« Je suis les routes de Kayes »

Les habitants de Tintimba ont trouvé dans les activistes de l’association « Je suis les routes de Kayes » des avocats pour relayer leur cause. Ousmane Bamian, membre de ce mouvement créé par quelques jeunes leaders, affirme ne pas comprendre l’état de nombreuses routes de la région, routes pourtant empruntées par les camions appartenant aux mines d’or. Il stigmatise la mauvaise volonté des autorités.

Dès la création de leur mouvement, explique-t-il, l’une des actions de celui-ci a été d’écrire aux pouvoirs publics pour attirer leur attention sur le mauvais état des routes. Malheureusement, sans obtenir le résultat escompté. Le mouvement ne baisse pas les bras et continue son action de sensibilisation. Pour l’atteinte de ses objectifs, il a envoyé des délégations dans les cercles de Bafoulabé, de Kéniéba, de Yélimané, de Diéma, et à Diboli et Sandaré. « L’objectif est de nous imprégner de la situation, d’échanger avec la population afin de conjuguer nos efforts pour faire face à ces difficultés », déclare Ousmane Bamian.

Notre interlocuteur annonce que si rien n’est fait de la part de nos autorités, courant 2023, il prévoit de prendre ses responsabilités pour revendiquer ou arracher le droit à une bonne route. « Sans la route, pas de développement », a-t-il estimé. Pour cela, il annonce la planification d’une série d’activités, notamment une grande manifestation avec l’implication de tous les acteurs concernés, dans les chefs-lieux des cercles de la région de Kayes. « Des sit-in seront organisés dans tous les services où l’Etat est représenté », indique-t-il. Et il ajoute : « si l’Etat reste inerte là-dessus, nous allons aller au blocage total de tous les axes pour réclamer nos droits ».

Bitumage annoncé ?

Alou Cissé, du SYNTRUI, nous indique que le syndicat a rencontré les autorités pour leur expliquer les problèmes auxquels les transporteurs et les populations sont confrontés. Selon lui, le gouverneur de Kayes les a informés lors d’une entrevue qu’il y a un financement prévu pour le bitumage de la route de Sadiola à Kéniéba. Malheureusement, rien n’est venu depuis confirmer cette annonce. « Kayes est administrativement la première région du Mali, mais aussi la dernière en termes d’infrastructures routières. Si on ne fait pas la réhabilitation de cette route, d’ici l’hivernage prochain, on ne parlera plus de route dans cette zone. Car ça sera complément gâté », alerte-t-il.

Ce diagnostic est prolongé par Amadou Baydi Maiga, secrétaire général du SYNTRUI de Kayes, premier vice-président national du Conseil des transporteurs. Il sollicite le gouvernement et propose qu’on donne les projets de construction des routes aux entrepreneurs kayésiens, pour au moins 60% du budget prévu.

Bintou COULIBALY

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