Festival OGOBAGNA :  les coulisses du petit commerce

Un festival comme Ogobagna, devenu un rendez-vous très couru à Bamako, est une occasion d’activités pour tout un petit secteur informel. Des « parkingueurs » aux restaurateurs.

Bamako, le 25 janvier. Soirée bruyante entre les boulevards Bouteflika, du 22 octobre et celui de l’Indépendance. Le long de la berge du fleuve Niger souffle un vent frais tempéré qui adoucit corps et esprits. Un temps inhabituellement clément en ce début de l’harmattan, caractérisé par un vent sec accompagné de soleil piquant. Une foule nombreuse, habillée majoritairement en tenues traditionnelles dogon, convergent vers la Place du cinquantenaire. À cheval entre le pont des Martyrs et le pont du roi Fahd, cette place ouvre sur le boulevard de l’Indépendance, à quelques encablures de l’École normale supérieure (ENSup). C’est là que se déroule (du 23 au 29 janvier) le Festival Ogobagna, vibrant aux sons des tambours et chants qui accompagnent les danses traditionnelles dogon.

Cette manifestation culturelle magnifiant la culture dogon se veut avant tout un espace de promotion de la paix, de la cohésion sociale et du renforcement des échanges entre nos différentes communautés. Son apport économique est indéniable : premiers bénéficiaires, les jeunes débrouillards entreprenants et autres petits vendeurs à la sauvette : c’est l’exemple de ces jeunes qui ont, pour la circonstance, transformé les trottoirs bordant les enclos de fortunes en parkings.

Suant à grosses gouttes, ils accourent de part et d’autre du goudron en se faufilant entre les voitures en quête de clients potentiels. Nouhoum Coulibaly est le gérant d’un de ces parkings improvisés. Interrogé, il explique qu’ils ont pris toutes dispositions nécessaires afin de permettre aux festivaliers d’être à l’aise. Cette année, ajoute-t-il, les frais de stationnement sont de 300 F pour les motos et 500 F pour les voitures. Des prix en baisse par rapport aux éditions précédentes, précise M. Coulibaly, sans en évoquer les raisons. Le parking de celui qui n’emploie pas moins de seize bras valides reçoit quotidiennement plus d’une centaine de motos et une soixantaine de véhicules.

À l’image de Nouhoum Coulibaly et ses camarades, un véritable business s’est établi autour de cette manifestation culturelle. Noël Saye, vendeuse de fruits (banane/pomme) et d’arachide grillée, ne cache pas sa joie d’être là. Malgré « la vie chère », le festival semble être une aubaine pour celle qui arrive à faire de bonnes affaires, comparé aux jours ordinaires. Noél peut aller jusqu’à 10.000 Fcfa de recettes par jour. Suffisant, selon elle, pour aider son époux à faire face aux dépenses quotidiennes du foyer. « Seulement, si l’on pouvait prolonger la date de clôture du festival ! », sourit-elle.

Pendant ce temps, des participants tout excités convergent vers le site. Une file indienne au niveau des guichets. La présentation de tickets est la condition d’accès au site du festival, en plus du contrôle à l’entrée et du port obligatoire de masques de protection contre la Covid-19.

Une fois à l’intérieur, c’est le Toguna qui attire le maximum de festivaliers. Dans la culture dogon, le Toguna est le vestibule dans lequel les décisions importantes sont prises. Il traite les questions de justice et de développement local. Il est installé à l’intersection des quatre points cardinaux, permettant ainsi aux sages d’apercevoir tout individu se dirigeant vers le village. Sous le Toguna, interdiction formelle du port d’armes et surtout de s’énerver.

Assis dans sa case, Benogo Ologuèm, l’incarnation d’Ogo (Roi) dans le cadre de ce festival, précise que le terme Ogobagna veut dire le plat du Roi. À l’en croire, il s’agit du plat, l’écuelle, dans lequel le Roi mange. Symbole de partage et de solidarité, il est à la disposition de toutes les couches sociales : hommes, femmes, vieux, jeunes, enfants et étrangers.  

Des stands pour toutes les ethnies                  

Des stands dédiés sont occupés par les différentes communautés : Bambaras, Sarakolés, Peuls, Tamasheqs, Sénoufos… Tous venus exposer leur savoir-faire et valoriser la diversité culturelle et ethnique de notre pays. D’où le thème de cette 8ème édition 2023 : « Les cultures locales à l’épreuve de la mondialisation : les formes de résilience des communautés. »

Ousmane Yattara, président de l’association des forgerons, propose des produits artisanaux touaregs du Nord de Tombouctou : des boites à bijoux, des bagues en argent, des bracelets, des tableaux (la porte de Tombouctou, le Ciwara, la carte du Mali, etc.) Pour sa troisième exposition à Ogobagna, il constate qu’il y a peu d’affluence par rapport aux autres années. En conséquence, il y a moins de clients, regrette-t-il.

Contrairement à lui, Kadiatou Diarra qui offre la gastronomie dogon dans son restaurant délocalisé à Ogobagna, est débordée par l’affluence des clients. Son mari qui l’aide nous informe que le menu du jour est : Tô, Podia et Tougoudji. Le Tougoudji est fait à base d’arachide, après qu’on ait extrait l’huile, mélangée à du dah. Ces spécialités faites de produits bio aident à éviter la constipation, facteur de plusieurs maladies.

Visiblement peu satisfaite, Kany, vendeuse d’eau, veut avoir accès à l’espace intérieur pour pouvoir améliorer ses ventes. Ne disposant pas de moyens suffisants pour s’y offrir une place, elle se démène pour faire un maximum de gain et arrive à vendre entre 1000 à 1500 F CFA par jour.

Mariatou COULIBALY

Ce reportage a été publié le 10 février 2023 dans L’indicateur du Renouveau

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