Le phénomène d’immigration clandestine a tellement pris d’ampleur qu’aujourd’hui ce sont les femmes, de surcroit mariées, qui sont entrées dans la danse. Abandonner maris et enfants pour aller à la quête d’un « avenir meilleur » ?
Habibatou nous fait son récit : âgée d’une trentaine d’années, femme au foyer sans emploi, consciente que son mariage bat de l’aile en raison du manque de ressources, elle commence à penser au départ pour pouvoir apporter à ses enfants un mieux-être. Elle a de la famille en Europe, échange avec ces parents. Au début elle leur confie ses difficultés, recueille des conseils et parfois un peu d’aide mais tendre la main ne la satisfait pas.
On lui prête de l’argent pour lancer un commerce, mais c’est un échec. On lui conseille de reprendre des études, car elle est sans diplômes, mais elle a trop de responsabilités pour penser aux études. Alors elle opte pour l’idée de les rejoindre. Sa famille est d’accord, lui offre de financer le voyage. Elle se fait faire discrètement des papiers, acte de naissance, passeport… Si la loi est stricte, elle trouve de l’aide auprès de certains agents de l’État.
Il reste à annoncer son départ. Consciente du risque de se faire refouler, elle annonce qu’elle doit se rendre au chevet d’un malade dans un village isolé de la région, qu’elle sera peut-être difficile à joindre. « J’ai ressenti une grande douleur au moment de dire au revoir à mes enfants, mais savoir que je pars pour eux était ma consolation. » dit-elle.
Elle prend le car à Bamako, direction la Gambie, pour un trajet qui dure deux semaines. La faim, l’absence de sommeil sont ses compagnons de voyage. Une fois à l’aéroport en Gambie, elle est confrontée aux exigences des passeurs, qui changent les termes du contrat sur un coup de tête. Puis c’est la France… A l’arrivée, elle séjourne pendant 1 mois dans un centre de rétention. Si elle ne s’y attendait pas, elle l’accepte comme un sacrifice nécessaire. « Qu’est-ce qu’une mère ne fait pas pour sa chair ? », commente-t-elle.
Elle bénéficie de l’intervention d’associations des Maliens de la diaspora, recouvre la liberté. Peu après elle décroche un emploi dans un hôtel. Apparemment elle a réussi son défi : avec combien de difficultés, pour combien de temps ?
Motivation économique
Mohamed Lamine Bane est chargé des affaires sociales et des questions migratoires au secrétariat du Haut Conseil des Maliens de l’extérieur. Le Haut Conseil, organe associatif et consultatif, fédère les organismes des Maliens de l’extérieur, a pour mission de rassembler les Maliens établis à l’étranger, de leur venir en aide et de servir de trait d’union avec les pouvoirs publics.
M. Bane explique que la motivation économique est la première raison d’immigration des Maliens. Compte tenu des problèmes de restrictions de visa dans les pays du Nord en particulier, beaucoup passent par la voix irrégulière, ce qui présente de nombreux inconvénients. C’est la même situation, à un degré encore plus élevé, pour les femme, soumises aux risques de violences à caractère sexuel, ou au trafic d’êtres humains. Actuellement le Haut Conseil ne dispose pas de chiffre sur le nombre de femmes qui partent à l’étranger, pas plus que pour les hommes, mais on estime que les femmes représentent entre 4 et 5 % des retours assistés.
Mariatou Coulibaly

Ce reportage a été publié dans L’indicateur du Renouveau du 16/11/2022
Pour en savoir plus :
- Migration féminine au Mali: Pourquoi partent-elles donc ? Une publication de l’Institut Panos
