Les personnes déplacées internes vivent toutes sortes de misères à Bamako. Reportage sur le site de Faladié (Commune 6), où depuis qu’un incendie a ravagé tous leurs biens l’an dernier, certaines jeunes filles gagnent leur vie avec la prostitution.
Il est 20 h, ce mercredi 2 novembre, Faladié est plongé dans le noir total. Dans la pénombre, non loin d’un hangar inachevé, une jeune dame en mini-jupe brillante et haut moulant, se tient debout près d’un tas de sable. Elle tient un téléphone qui diffuse une chanson d’amour : “na bisoukenela” en Bambara (Chéri, viens me faire des bisous). Dès qu’un homme passe à proximité, elle siffle un petit “pssssst”, en chuchotant, le doigt toujours dans la bouche : « tu veux travailler ?”. Et la discussion sur le prix commence…
Cette jeune déplacée de 32 ans, mère de 3 enfants, se livre à la prostitution aux yeux de tout le monde, sans se soucier de l’image qu’elle donne d’elle, ni des risques de maladies sexuellement transmissibles. Son principal souci est de subvenir aux besoins de sa famille, depuis la mort de son époux, lors d’une attaque dans la région de Mopti.
Un premier motocycliste s’arrête. Juste après quelques échanges, elle disparaît avec ce premier client. Puis réapparaît au bout de 30 minutes. Et l’attente reprend. À l’en croire, elle gagne entre 20.000 et 25.000 F CFA par soirée. «Certains clients n’aiment pas le préservatif. Ils proposent donc une somme d’argent importante, 25 000 F CFA, et même plus », calcule-t-elle.
Au bout d’une quarantaine de minutes, elle a déjà un autre client. Mais cette fois-ci, c’est un homme cravaté en voiture de luxe qui fait son entrée. Par la vitre ouverte, on entend une chanson sentimentale (est-ce que ambibo sonai ? / est-ce qu’on sort ce soir ?) Immédiatement, l’échange commence pour se mettre d’accord sur le prix, et elle entre dans la voiture.
Cette jeune dame ne fait pas la prostitution par plaisir, loin de là ! «Je suis bien obligée de gagner de l’argent, mes enfants ont perdu leur père suite à une attaque terroriste », explique-t-elle en versant quelques larmes. Si je trouve autre chose demain, j’abandonne tout de suite cette activité »…
Aujourd’hui, à Bamako, elles sont nombreuses, jeunes filles déplacées, à se retrouver dans la prostitution clandestine. A Faladié, nous rencontrons l’une d’entre elles, assise devant sa porte. Celle-ci se justifie : « j’ai trop de problèmes. Le problème numéro un est de me nourrir. Chaque soir, j’attends mes clients impatiemment ». Mais ceux-ci se font rares, ces deux derniers jours, déplore-t-elle.

La prostitution n’est certes pas la seule solution pour les femmes déplacées, certaines réussissant tant bien que mal à s’en sortir. Mais on peut s’inquiéter de ce phénomène depuis longtemps documenté (ci-dessous), qui interpelle sur le droit des réfugiés à vivre dans la dignité.
Tidiane BAMADIO

Cet article a été publié le 22novembre dans le journal Le Hogon
Pour en savoir plus :
- Commerce du sexe chez les déplacées de Sévaré (article de 2013)
- Femmes déplacées à Tillaberi (2019)
