Violences conjugales : au bout le divorce !

De nos jours au Mali, la violence conjugale connait une montée en flèche, malgré l’existence de plusieurs organisations qui œuvrent pour la protection des droits humains.

Il est 10 h 36, ce mardi 2 août, quand nous rencontrons A.T., vêtue en complet jaune dans son domicile. Cette trentenaire et mère de 3 enfants,  violentée par son époux garde encore en mémoire des séquelles de cet épisode malheureux, revient sur la situation tout en réclamant l’anonymat.

En regardant le visage de notre témoin, il est possible de lire sur le tableau la tristesse et la peine sur son visage. Quelques cicatrices sont visibles sur son cou et ses bras. A. T. se rappelle de l’événement malheureux. Aux dires de la victime, son époux a changé de comportement du jour au lendemain : « le jour où mon mari a passé cette nuit chez moi, cette nuit se fait longue et devient un enfer. Il m’insulte. Souvent même il me porte main… », nous confie A. T., les larmes aux yeux. Après plusieurs échecs de médiations à Bamako par des voisins, elle a décidé d’aller au village pour tenir informés les parents du calvaire qu’elle vit dans son foyer : « après m’avoir écouté. Ils m’ont dit de rester en famille en attendant de trouver une rapide solution au problème. C’est dans ce cadre qu’ils ont fait appel à la belle famille pour les informer de mon retour au village depuis quelques jours. » Elle poursuit : « ils se sont concertés, leur réponse a été : nous avons parlé à notre fils en vain. Il a décidé de ne plus voir sa femme. Donc, nous demandons à votre fille de prendre son destin en main pour ne pas mettre sa vie en danger », a dit avec regret le père de son mari. Ainsi, le divorce a été consommé.

A son retour à Bamako, la trentenaire dit s’être inscrite dans cette réflexion d’Ahmadou Kourouma « l’homme est à la merci de son destin, et ne pourra dévier le chemin qui lui a été tracé »; avant d’ajouter : « si je n’avais pas divorcé, mon mari allait me tuer. »

A Bamako, le taux de divorce lié aux violences conjugales est élevé. Selon la présidente de Women in Law and Développement in Africa (Femmes Droit et Développement en Afrique), Mme Bouaré Bintou Founé Samaké, « plus de 95% des cas de divorce sont liés aux violences conjugales ». Elle laisse entendre que les divorces sont toujours prononcés pour « faute ».  La faute qu’on évoque plus souvent est la violence.

Le violence, un acte puni par la loi malienne

Il n’y a pas de loi spécifique contre les violences basées sur le genre en République du Mali. Toutefois, la constitution malienne du 25 février 1992 dispose en son article 1er : «  la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne. ».

L’enquête la plus récente sur le sujet a été menée entre 2012 et 2014 par l’Observatoire des droits humains et de la paix (ODHP). Les résultats de cette étude, qui a concerné les régions de Kayes, Sikasso, Ségou et le district de Bamako, ont été présentés en février 2014. Les régions du Nord n’ont pas été prises en compte à cause de l’insécurité. Cette étude sur le divorce concernait les dix dernières années. Il ressort de cette enquête qu’entre 2000 et 2011, 1008 jugements de divorces ont été prononcés dans la région de Kayes. Dans la région de Sikasso, en sept ans (2006- 2012), on totalisait 796 jugements de divorce. Toutes les données sur les divorces dans la région de Sikasso ne sont pas disponibles, suite à l’incendie qui a détruit les archives du tribunal en 2005. Entre 2000 et 2011, il ressort que 1028 décisions de divorces ont été prononcées par le tribunal de Ségou, soit en moyenne 85 divorces par an. A Bamako, l’étude a concerné uniquement la Commune III, où 1028 décisions de divorce ont été prononcées en six ans (2006 – 2011). Cependant, il faut noter qu’il n’y a pas de statistiques fiables au niveau de la Cour suprême de Bamako.

« Au sein de l’instance suprême de Bamako, il est très difficile de trouver des statistiques malgré de nombreux cas de divorce » déplore Maître Souleymane Samaké, greffier en chef de la commune VI du district de Bamako. Selon lui, ce sont les greffes au niveau des différents tribunaux qui pourraient avoir les statistiques sur le divorce.

Les violences conjugales s’inscrivent dans le lot des violences basées sur le genre. Au Mali, il est regrettable qu’aucune loi spécifique n’existe contre ce phénomène qui, au-delà du divorce, attriste des familles.

Tidiane Bamadio

Article publié dans le journal Le Hogon, le 14/09/2022

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