Les vacances scolaires n’ont pas la même signification pour les jeunes. Certains se reposent, s’amusent, découvrent de nouveaux horizons. Mais d’autres travaillent et contribuent aux frais de la famille. Est-ce un mal ? Les avis sont divisés.
Jadis, pendant les vacances les rues de Bamako étaient remplies de jeunes, filles et garçons, se livrant à toutes sortes de jeux : pour les garçons le football, le jeu de cache-cache, la course de pneu ; et pour les filles, la marelle ou la balançoire… Mais la société a changé, les conditions de vie sont devenues plus dures et la situation a changé dans plusieurs quartiers, où les petits métiers ont pris la place des jeux.
Tel est le cas du jeune Evarest Dackouo, élève en 8ème année, domicilié à Missabougou, qui se transforme en apprenti mécanicien durant ses trois mois de congés. Chaque matin, vêtu d’un t-shirt noir et d’un pantalon déchiré au genou, cet élève du groupe scolaire de Missabougou se rend à son lieu de travail proche de la maison. Là, il assure les petits entretiens des motos : changer l’huile moteur, mettre une nouvelle bougie, tendre les chaînes… et assiste son patron pour les travaux plus complexes. A la fin de la journée, l’apprenti peut gagner 500 F CFA, voire 1000 F CFA, cela dépend de la recette journalière.

Selon Evarest, les petits boulots sont un moyen pour soutenir ses parents dans les dépenses de la rentrée scolaire. « Cela permet d’alléger leurs charges. Je peux m’acheter des vêtements neufs, des chaussures et même certains kits scolaires », explique-t-il. Pour Evarest, contrairement à ce que certains pensent, ce petit boulot de vacances ne cause pas de tort à sa scolarité. « Mon entourage pense qu’en faisant ce boulot, je vais prendre goût à l’argent et que je risqué d’abandonner les études. Ce ne sera pas mon cas ! Je pense que les vacances ne sont pas faites uniquement pour s’amuser, je le fais ce boulot dans le but de ne pas rester à la maison à ne rien faire. Et j’aide la famille ».
S’amuser, dormer, être en forme…
Contrairement à Evarest, Yacouba Koné, un élève de 7ème année vivant à Baco Djicoroni, pense que les vacances sont faites pour se reposer et s’amuser… et se la couler douce ! « Aucune activité pendant les vacances. Je ne fais que m’amuser et dormir. Ça me permet d’être en forme pour entamer la nouvelle année scolaire. On doit se reposer en vacances ! », laisse entendre le jeune Koné.
Comme les élèves, les acteurs du secteur sont divisés quant à la gestion des vacances des jeunes. Pour Tiémoko Dembélé, un enseignant, les petits boulots sont une bonne chose pour les élèves. Mais il reconnait aussi qu’ils ne doivent pas s’adonner à tous les métiers. « Les métiers comme soudeur, vendeur ambulant, apprenti chauffeur de Sotrama (transport en commun), apprenti menuisier, apprenti mécanicien et bien d’autres, sont les métiers qu’un élève peut exercer », détaille-t-il. Avant de rappeler à l’attention des parents d’élèves que « pratiquer des petits métiers pendant les vacances n’est pas un mal en soi. Par ailleurs, j’invite les parents à suivre les enfants dans leurs occupations, pour qu’ils ne soient pas tenter d’abandonner l’école ».
Mariam Kanté, femme au foyer et parente d’élèves, considère que la pratique de ces petits boulots pendant les vacances dépend du milieu social. « Un enfant qui vient d’un milieu aisé ne va pas travailler pendant les vacances, il va se consacrer en général à des voyages ou des cours préparatoires. Ce sont les enfants de milieu défavorisé, notamment dans les villages, qui pratiquent ces petits boulots pour avoir un peu d’argent et préparer la rentrée scolaire ».
Un fait social à étudier
Du point de vue de Mamby Bandiougou Sylla, sociologue, les petits boulots des élèves pendant les vacances sont un couteau à double tranchants. « Les vacances sont faites pour que l’enfant se repose, prépare l’année à venir. Une fois qu’il commence à prendre goût aux à l’argent, il pourrait être amené à abandonner l’école. Mais c’est vrai, l’un des avantages de ces petits boulots est l’acquisition d’une connaissance de la vie professionnelle, et cela habitue les enfants à l’indépendance financière», note-t-il.
Ce phénomène, que chacun peut constater autour de soi, est révélateur des comportements sociaux au Mali. Il peut être préconisé de mieux l’étudier et en apprécier l’ampleur. Voilà du travail pour les sociologues…
Moctar Koné
Article publié par L’Indicateur du Renouveau, le 9/09/22
