Pratiques et relativement abordables, les appartements meublés en location accueillent des fêtes d’anniversaire ou d’enterrement de vie de jeune fille. Et abritent des liaisons qui veulent rester discrètes.
Il est 16 heures ce vendredi, la semaine de travail s’achève. Adama Traoré alias Noss est tout joyeux et excité de passer le week-end avec sa partenaire dans un appartement meublé à Faladiè (Commune VI de Bamako). Il compte bien se délasser en compagnie de sa dulcinée après une semaine laborieuse. A l’en croire, les appartements sont des endroits appropriés pour éviter de se présenter avec sa copine en famille. Un geste qui serait malpoli, juge-t-il. Selon Noss, un appartement est le lieu idéal pour vivre cette intimité désirée. La location journalière du lieu lui coûte 20.000 Fcfa, un prix qu’il estime abordable pour le cadre et le calme qui y règne.

Depuis quelques années, beaucoup de citadins font comme Adama et louent des appartements destinés à l’origine à servir d’alternative à l’hôtel pour les touristes de loisirs ou d’affaires. Un samedi matin du mois de juillet aux environs de 9 heures, sous un ciel qui tarde à se débarrasser de ses nuages, la circulation est intense devant un immeuble majestueusement dressé non loin d’un marché à bétail (garbal) à Hamdallaye ACI 2000 en Commune IV. Voitures personnelles, motos et taxis défilent pour déposer des couples. Certains viennent en mode « arrivé-payé ». Un jeune couple s’est donné rendez-vous dans un appartement de cet immeuble. Chacun a emprunté son propre moyen de transport pour rallier le site du ‘’ rencart’’. Aminata, nom d’emprunt, descend du taxi. Pour ne pas être reconnue, elle a enfilé un vêtement nommé Abaya ou «Bourmouss » qui masque sa taille fine et cache une tenue sexy. Une bavette recouvre à moitié son visage et on perçoit à peine ses yeux en amande derrière des lunettes à cause d’un foulard noir. La jolie dame d’une vingtaine d’années se précipite pour pénétrer dans l’immeuble. A la porte, elle est accueillie par son copain. Ce dernier, pas très grand et teint clair, porte veste et cravate. Son Eau de Cologne parfume agréablement le hall. Comment avez-vous procédé pour choisir ce lieu ? Sourire aux lèvres dévoilant une dentition imparfaite, Ladji, répond laconiquement : « C’est la veille que nous avons réservé notre appartement ».
Devant le même immeuble, Assan âgée de 25 ans, sort d’une voiture de luxe de marque Toyota en compagnie d’un homme de teint noir et au physique d’athlète. A la différence du couple précédent, eux ne redoutent apparemment pas de se faire remarquer. Cette jeune stagiaire d’une entreprise évoluant dans la restauration confie qu’elle a découvert les appartements sur les réseaux sociaux avant de proposer l’idée à son copain. « Celui-ci étant marié a soutenu l’idée. Nous venons ici pour rester discrets et éviter de nous exposer dans les chambres de passe ou les auberges avant notre mariage. On est à l’aise dans les appartements, il n’y a pas de bruit, on se fait à manger et on bavarde de tout et de rien. On rattrape tout le temps perdu de la semaine. Et on se sent comme dans un foyer conjugal », apprécie-t-elle. Ce jour, la jeune entrepreneure transporte un gros sachet noir qui contient des condiments et des ustensiles de cuisine pour se faire à manger sur place. La clientèle des appartements a attiré près de l’immeuble divers commerces comme de petits restaurants, des vendeurs de crédits téléphoniques, d’objets de décoration de chambre et, hivernage oblige, de parapluies et imperméables.
L’éventail des fans des appartements est très étendu. Il comporte ses cyniques comme cet homme qui a requis l’anonymat et qui loue un appartement pour ses escapades avec une autre femme, comme il le faisait quand il était encore célibataire. Le mari infidèle explique alors à sa femme qu’il va en « mission » d’une semaine à l’intérieur du pays. « Mon épouse fait ma valise avec tout ce dont j’ai besoin alors que j’ai tout planifié avec ma petite amie. Je loue un véhicule et on part s’isoler dans un endroit calme. Mais je prépare tout à l’avance pour éviter de susciter le moindre soupçon », raconte par le menu notre interlocuteur.
50 000 CFA pour une journée
Les appartements ne servent pas qu’à abriter des amours clandestines ou non. Ce sont également des lieux prisés pour la célébration des anniversaires et des enterrements de vie de célibataire. Alima Tounkara aime y fêter ses anniversaires. Pour la circonstance, cette benjamine de famille dit louer l’appartement à 50.000 Fcfa pour une journée. « On peut faire plus de choses entre filles qu’en présence de la famille. En plus, un appartement quand c’est très joli et bien décoré, on y fait de belles photos. Et c’est pratique, toutes les provisions sont sur place. On n’est pas obligé d’aller ailleurs », précise la jeune fille d’une vingtaine d’années.
Aminata Touré, elle, c’est à l’occasion de son enterrement de vie de jeune fille, quelle a loué un appartement pour une journée à 35.000 Fcfa. L’idée, dit-elle, était juste de trouver un endroit chic pour faire des photos avec ses amies en vue de dire adieu à sa vie de jeune fille.
Les réseaux sociaux fourmillent d’offres de location d’appartements. Localisation, tarifs et autres services disponibles sont présentés aux clients potentiels. Cette publicité digitale n’a plus de secret pour Mohamed Touré qui publie sans discontinuer les photos de ses appartements sur Facebook sous le nom d’Amed Appart. Pour en louer un, c’est simple. Le client doit juste téléphoner pour faire une réservation et régler soit par Orange money soit directement dans les locaux de l’entreprise. Selon Mohamed Touré, les clés de ses appartements sont remises uniquement à des couples majeurs. « Je fais ce métier depuis 4 ans. Les couples célibataires constituent la majeure partie de ma clientèle. Ils représentent une forte demande les vendredi soir et les jours fériés ou encore les jours de fête », confie ce propriétaire d’appartements.

Le phénomène compte donc beaucoup de partisans mais aussi des adversaires comme Saliou Kalapo. Ce chef de famille fait partie de ces parents qui dénoncent la location des appartements par les jeunes pour des pratiques mondaines. D’abord pour des raisons de sécurité car un participant peut avoir de mauvaises intentions à l’égard d’un des membres du groupe. Ce sexagénaire propose donc de réglementer la location de ces appartements de loisirs en réservant leur accès aux adultes… et aux vaccinés.
Les craintes de Saliou Kalapo ne sont pas sans fondement car ces festivités en cercle privé peuvent déraper. Le viol d’une jeune fille le 12 juillet dernier lors de la célébration d’un anniversaire dans un appartement est un exemple de ce qui peut survenir. Il s’agissait de l’anniversaire du copain de la victime. Celle-ci avait été invitée par son petit ami à prendre part à cette fête nocturne dans un appartement loué à Baco-Djicoroni Golfe en Commune V de Bamako. Durant cette soirée, la jeune fêtarde a été collectivement abusée jusqu’au petit matin.
Ce drame souligne la nécessité d’encadrer et de sécuriser une pratique locative qui gagne en ampleur. Le phénomène, aujourd’hui bon enfant, pourrait finir par échapper à tout contrôle et fournir une couverture à des activités prédatrices et criminelles.
Fadi Cissé
(article paru dans l’Essor, le 18/08/2022)

Pour tous les prix : Un appartement meublé est une habitation fournissant au locataire tout ce dont il a besoin pour son séjour : salon, chambre à coucher, coin cuisine, parfois personnel d’entretien. Au Mali, les jeunes louent ces appartements individuellement ou collectivement pour célébrer des évènements sociaux. Des couples s’y retrouvent aussi. Les quartiers huppés notamment Baco-Djicoroni Golfe, Hamdallaye Aci 2000, Faladiè Sema, Sotuba comptent un grand nombre de ces espaces à louer. On en trouve également dans la périphérie de la ville. Il faut compter de 15.000 à 20.000 CFA pour un séjour de 24 heures sans wifi. Les appartements qui coûtent 25.000 CFA et plus sont dotés de la connexion Wifi. Le tarif baisse par endroit pour les longs séjours.
